LES MAISONS MARQU‹ ES AVCE LE LION DE SAINT MARC
UNE LETTRE DE DANTE ALIGHIERI CONTRE LES VENITIENS
LA PORTE DES SAINTS A CASTELLO
LES VIEILLES AUBERGES (LOCANDE ET OSTERIE)
LES "CEINTURIERS" OU FABRICANTS DE CEINTURES
LA CONTINENCE DE ANDREA CONTARINI
BAJAMONTE TIEPOLO OU BOEMONTE
Les chroniques nous le dépeignent comme un preux chevalier, expert dans le maniement des armes. Il fut choisi comme chef du complot que les Tiepolo, unis aux Querini, et autres familles patriciennes engagèrent en 1310 contre le doge Pietro Gradenigo. Mais les conjurés en venant aux mains avec les milices ducales sur la place Saint-Marc le 15 juin, cela alla mal pour eux et Bajamonte Tiepolo fut obligé de battre en retraite au delà du pont du Rialto, qu'il coupa derrière ses pas.
Cette aventure et l'institution du Conseil Majeur qui suivit donna origine à une croyance populaire. Certains y voient là la naissance d'une antique inscription, ainsi conçue :
En 1310, au milieu du mois de juin, Bajamonte passa le pont et fut institué le Conseil des Dix.
Les choses s'étant terminées ainsi, le doge Pietro Gradenigo, qui n'était pas vraiment sur de sa victoire, invita Tiepolo à négocier. Il fut décidé que ce dernier quittait la ville avec les siens, mais il continua à manigancer contre le gouvernement et le conseil des Dix en 1329 chercha le moyen de lui ôter la vie en donnant la faculté au doge et à Federico Dandolo de traiter, de promettre, de dépenser, de faire tout ce qu'il croirait opportun pour y réussir. Et il semble qu'il réussit puisque depuis cette époque il 'y a plus trace de Bajamonte Tiepolo dans les actes publics. Il pourrait aussi se faire, que se voyant ne pas pouvoir atteindre ses buts, Tiepolo se soit réfugié près du roi de Rascie, dont il était parent par sa femme, et qu'il terminât ses jours là.
LA VIEILLE AU MORTIER
Après que le 15 juin 1310, jour de S. Vito, les partisans de Bajamonte Tiepolo furent battus sur le place Saint Marc, une partie de ces derniers s'enfuit en se jetant dans les Mercerie. Près de l'entrée de cette rue , la vieille Giustina, ou Lucia Rossi, qui semble-t-il, faisait le commerce de miroirs, fit tomber du haut de son balcon sur les fuyards un gros mortier (récipient), lequel alla frapper le porte-drapeau de Bajamonte Tiepolo, le laissant étendu mort sur le carreau..
La vieille interpella la femme du doge et réclama comme récompense pour ces faits :
1)que lui soit accordé d'exposer à son balcon les jours de S. Vito de chaque année , et en d'autres jours de fêtes, la bannière de Saint-Marc.
2)que la somme de 15 ducats qu'elle payait aux procurateurs de Supra de Saint-Marc, au titre de location de la maison qu'elle habitait et de sa boutique située en dessous, appelée boutique aux miroirs, ne soit augmentée, ni pour elle, ni pour ses filles
Le doge donna ainsi satisfaction à la première comme à la seconde demande, en étendant le bénéfice à tous ceux qui à l'avenir représenterait la vieille.
Le temps passant, le contrat de location de la maison et de la boutique fut divisé en trois contrats, les quels depuis ce temps portent le titre de "en raison de la grâce du mortier".
Ils furent changés en contrat de location perpétuelle, au prix arrêté définitivement de 15 ducats par an. Après la chute de la République, cet argent alimenta les caisses de l'Eglise de Saint Marc et non plus celle des Procurateurs de la Supra.
L'année 1861, Elia Vivante Mussati étant l'unique occupante de l'immeuble, elle voulut faire sculpter sur la façade l'image de la vieille en train de jeter son récipient avec l'inscription : XV juin 1310, le nom du sculpteur A. Lovandini et l'année 1841
Au bas de la maison sur les dalles de la Mercerie, on peut voir une petite pierre blanche indiquant le lieu où fut tué le porte-drapeau de Bajamonte.
LES MAISONS MARQU‹ ES AVEC LE LION DE SAINT MARC
Comme nous l'avons vu en 1310, la conjuration de Bajamonte Tiepolo fut domptée. On voulut alors, pour rappeler l'infamie, marquées avec le lion de Saint-Marc les maisons des rebelles. En voici la liste selon la chronique :
Cà Longo face aux Servi
Cà Querini dans la calle delle Rasse
Cà Querini al Ponte de S. Giacomo dell'Orto
Cà Loredan à S. Canciano
Cà Molin à la Bragola
Cà Zane à S. M. Mater Domini,sur la place et au coin de l'église
Cà Corner au pont de S. Fosca
Cà Corner à S. Benedetto à l'entrée du rio Menuo
Cà Grazoni sur le campo S. Bartolomeo
Cà Donà à S. Polo, sur la place et au ponte dei Cavalli
Un des ces lions était peut-être celui qui, il y a quelques années encore existait calle Moretta à S. Canciano. Les autres ont tous disparus et seulement dans un dessin de Grewembroch on peut apercevoir ceux de la Ca Zane, devenue ensuite propriété Viaro, sur le campo S. Maria Mater Domini
L'ASILE NOCTURNE DU MORION
Il est appelé ainsi parce que situé au voisinage de la calle del Morion à San Francesco delle Vigna. Natichliero Cristian, issu d'une famille vénitienne, de laquelle sortirent plusieurs notaires, fonda cette institution pour recevoir vingt pauvres et infirmes et, dans son testament, le 15 juillet 1312, le lègue aux procurateurs de la Citra. Grâce à la générosité des donateurs, il pouvait maintenir un gouverneur avec quatre familles, rétribuer un curé de Ternita, chaque fois qu'il y avait à dire une messe ou donner des sacrements
Sur le côté, à l'extérieur, une inscription indique qu'il fut reconstruit en 1497.
A la fin du XVIIIème siècle, il servait uniquement aux femmes et, aujourd'hui, alors qu'une restauration du premier asile nocturne dont puisse se vanter Venise est annoncée, les hébergées et le personnel ont été transférés ailleurs.
Ainsi la charité moderne a remplacé l'antique.
UNE LETTRE DE DANTE ALIGHIERI CONTRE LES VENITIENS
On dit que Dante Alighieri s'étant rendu à Venise comme ambassadeur des seigneurs de Ravenne, n'ayant put atteindre le but qu'il s'était fixé, écrivit contre les vénitiens une lettre très acerbe, publiée par Anton Francesco Doni en 1547. Dans cette lettre Dante appelle les vénitiens les destructeurs des lois antiques et auteurs d'injustice et de corruption. Il dit qu'ils dominent bassement et maltraitent les pauvres, qu'ils sont incapables de goûter la langue latine tandis que même la langue d'Italie était presque pour eux totalement étrangère. Il dit enfin qu'ils ont des origines dalmate et grecques et que, depuis le début, ces origines ont introduit les pires coutumes déshonorantes dan s Venise. On peut aussi déduire l'animosité de Dante contre les nôtres à la lecture de Manetti qui raconte que l'illustre poète n'ayant pu obtenir du sénat l'audience demandée, voulut partir de Venise et que, en partie par la rancœur, en partie par les désagréments du voyage, il mourut à peine retourné à Ravenne en 1321.
Que la lettre à laquelle il est fait référence ci-dessus soit authentique comme l'affirme Torquato Tasso et Fontanini, nous ne pouvons l'accepter. Au contraire nous l'attribuons à une invention de la bizarre cervelle de Doni.
LA PORTE DES SAINTS A CASTELLO
A l'extrémité de la via Garibaldi, vers les jardins publics, on aperçoit à droite, une magnifique porte ayant la forme d'un arc gothique placée dans les murs d'une maison moderne. C'est un reste de l'ancien couvent de S. Domenico, érigé comme l'église voisine en 1317 selon les volontés du doge Marino Zorzi. C'est pour cela qu'on y voit sculptées les figures de plusieurs saints appartenant aux dominicains, avec l'écusson de Zorzi et une inscription qui témoigne d'une restauration faite en 1694 par les procurateurs de Saint-Marc après un incendie.
Mais plus précisément cette porte était à l'entrée de l'hospice, édifice religieux des Zitelle, qui faisait partie du couvent S. Domenico et qui pour cette raison s'appelait Porta delle Pute.
Une des prieures de l'institut religieux fur Cassandre Fedele, issue d'une famille vénitienne, docteur en langues et en science, qui polémiquait à l'université de Padoue, improvisait des vers en latin et tenait correspondance avec les princes et les érudits de l'époque. Après une très longue vie, elle mourut en 1558 et fut enterrée dans les cloîtres de D. Domenico.
LES FLAGELLATIONS
L'usage de se flageller en expiation de ses péchés s'introduisit parmi les vénitiens. C'est pourquoi on appelait les écoles de dévotion les Scolae Balutorum.
Cela se faisait pendant les processions au cours desquelles les frères se flagellaient réciproquement les parties postérieures qu'ils avaient mis à nu.
Parfois, la flagellation se déroulait dans les églises ou dans les oratoires où certains, comme le dit Casti, se donnaient quelques petits coups avec une main légère et flegmatique.
Il y en avait d'autres qui le faisait plus sérieusement et n'étaient contents que quand ils voyaient pisser les sang des chairs battues.
Cet usage fut condamné par les canonistes pieux et savants sachant que parmi, d'autres inconvénients, la flagellation peut être à l'origine dans l'organisme humain à des effets contraires à la chasteté.
Qui veut passer toutes ses fantaisies de cette manière doit lire "Histoire de flagellation" publiée en 1770 par Giacomo Boileau, docteur de la Sorbonne et frère du célèbre poète.
LES VIEILLES AUBERGES (LOCANDE ET OSTERIE)
On peut tous imaginer que, dans Venise, ville dédiée au commerce et donc fréquentée par de nombreux étrangers, il y avait un grand nombre d'auberges.
A l'origine, celles qui occupaient la première place étaient celles de la place Saint-Marc, et les plus voisines.
Depuis le XIVème siècle nous trouvons le "Chapeau" dont l'enseigne se voit suspendu près des Procuraties dans le célèbre tableau de Gentile Bellini, réalisé en 1496. Il existait aussi à la même époque l'auberge de Salvadego, dont on pense qu'elle portait le nom de son premier exploitant ou, à moins qu'au contraire, le nom soit la déformation de Uomo Selvaggio, ce qui paraît aujourd'hui plus vraisemblable. Vers le Molo, plus précisément face au palais ducal, on trouvait alignées, avec leurs portiques devant, les auberges del Leone, del Cavaletto, del Pellegrino et della Luna. Elles furent abattues après qu'on ait décidé en 1536, la construction sur cet endroit de la Libreria et émigrèrent vers d'autres lieux de la ville.
Le Cavaletto, par exemple alla à San Gallo. Le Leone aussi avec le nouveau nom du Lion Blanc. Le Pellegrino d'abord dans la calle Corazzaria puis dans la calle Larga. La Luna dans l'ancien couvent de l'Ascension.
Au pont de la Paille, on trouvait les auberges de la Serpe, de l'Etoile et de la Couronne. Dans touTes, comme dans celles de la place, les prostituées recevaient dans des chambres leurs clients . Elles furent expulsées par la loi du 22 mai 1489.
De Saint-Marc, en se dirigeant vers le Rialto, nous trouvons dans la cour de l'Ours à S. Bartolomeo une autre auberge à l'enseigne du Lion Blanc, dont on fait mention dans les chroniques. Ayant franchi les marches du pont, nous aurons l'œil attiré par la Campana (le célèbre chroniqueur Marin Sanuto en était le propriétaire), le Bo, l'Angelo, la Torre, la Donzella….
Dans toutes les hôtelleries, on devait trouver autrefois des écuries et des chevaux et toutes devaient posséder deux chambres décorées, avec quatre bons lits pour recevoir comme il se devait les princes et autres personnes de rang élevé qui venaient chez nous.
LES "CEINTURIERS" OU FABRICANTS DE CEINTURES
Les anciens vénitiens, et surtout les dames, se serraient les flancs avec des ceintures munies de boucles où elles accrochaient leurs bourses et d'autres ornements.
Cela nous permet de nous transporter par la pensée au reproche que faisait Cacciaguida aux damex florentines. Francesco Sansovino y fait référence dans ses "Choses de la noblesse" disant que les femmes se serrent la taille avec des ceintures très riches, aux quelles elles attachent bourses ou étuis avec des couteaux ou cuillères de grande valeur, à la manière des germaniques. En l'an 1334, on décida que la valeur des ceintures ne devait pas dépasser 6 ducats, celle des gaines, des couteaux, des boucles…5 ducats. Une autre loi de 1476 interdisait que la boucle et sa ceinture dépassent 15 ducats.
Les ceinturiers tenaient boutique près des Mercerie à S. Giuliano, non loin des fabricants de boucles (Fiuberi), qui donnèrent leur nom à la calle Fiubera, appelée pendant un temps Rue des Arméniens parce que toute proche de l'hospice et de l'église des Arméniens.
Cet art (ce corps de métier) avait son école de dévotion à San Felice, près de l'église, et se recommandait à la Vierge montée au ciel.
LA CONTINENCE DE ANDREA CONTARINI
Le libertinage dans les couvents féminins faisaient rage plus que jamais à tel point qu'on avait du inventer un nouveau mot : "muneghini" pour désigner ceux qui entretenaient des liaisons amoureuses avec les religieuses. Des brigades de jeunes gens allaient continuellement dans les couvents, ayant dans chacun une ou plusieurs relations. C'est ainsi que Andrea Contarini se laissa conduire par ses amis dans un de ces couvents où tout de suite il s'amouracha d'une petite nonne à laquelle il rendit visite plusieurs fois. Il avait déjà obtenu quelques lettres pleines d'affection et s'approchait du bonheur. Un jour, il vit briller à son doigt un anneau. Il lui demanda pourquoi elle et ses compagnes avaient l'habitude de porter un tel anneau. Il s'entendit répondre qu'elles étaient épouses de Jésus Christ.
Il fut alors assailli par de tels scrupules de conscience qu'il partit tout de suite, prétextant avoir oublié son portefeuille dans sa gondole.
Nos bons chroniqueurs racontent que, en récompense, il vit dans le couloir un crucifix incliner la tête et que pendant la nuit il vit en songe le seuil ducal.
A celui, il parvint en 1367 et quand, en 1381 s'acheva sa carrière ici-bas, celui qui récita l'oraison funèbre n'oublia pas de rappeler, à titre d'éloge, l'aventure arrivée dans sa jeunesse.
Cela fait contraste avec l'autre doge Pietro Mocenigo, élu en 1474 qui dormait souvent entre deux jeunes turques, venues avec lui de l'Orient, comme le narre Molmenti dans ses "Histoires de la vie privée à Venise"