LES TROIS ROIS MAGES

LA PORTE DE LA CARTA

QUELQUES UNES DES PLUS IMPORTANTES MARGELLES DE PUITS

LA BLONDE

L'ARCHE DU PONT DU PARADIS

UNE PROCESSION AUX SERVI

OTELLO, LE MORE ET DESDEMONE

LA POINTE DES LOUPS

UNE MADONE DANS LA MERCERIE DE l'HORLOGE

UNE MADONE DANS LA MERCERIE DE S. GIULIANO

 

XLI

LES TROIS ROIS MAGES

Lequel de nos concitoyens n'a pas vu le jour de l'Ascension ou les jours suivants, au moment où sonnent les heures à l'horloge de Saint-Marc, l'apparition des trois rois mages sur l'horloge ? et lequel n'a pas remarqué l'angoisse et la complaisance avec lesquelles notre peuple assiste à ce spectacle ? Faisons un peu d'histoire. En 1493, sous le doge Agostino Barbarigo, la République ordonna à Gian Pietro Ranieri da Raggio (et non à Rinaldi comme le prétend Sansovino) et à gian Carlo, son fils, la construction d'une horloge sur la place Saint-Marc.

Elle fut inaugurée le 1 février 1498 et Sanuto écrit : "E, ce jour, premier de février, à l'heure, où , en principe, on se rendait aux vêpres en traversant la place, fut découvert pour la première fois l'horloge, au dessus de la rue qui conduit aux Merceries, très belle, très décorée.

A cette horloge, on ajouta un mécanisme ,par lequel s'ouvre une petite porte sur la droite. Il en sort sur une tablette une statue de la Vierge avec son fils dans les bras , un ange avec une trompette et les trois rois mages?. Quand il arrive devant la Vierge, l'ange embouche la trompette et les rois mages soulèvent dans un geste de respect, avec la main droite, la couronne qu'ils ont sur la tête, tandis qu'avec la gauche, ils offrent à l'Enfant Jésus les précieux cadeaux apportés de l'Orient, dans des récipients d'or. Le groupe se retire ensuite par la porte de gauche, qui s'ouvre toute seule et se referme après leur départ. Ces figures de bois sont peintes de diverses couleurs. Le mécanisme fut restauré par Bartolomeo Ferracina en 1759.

Les mages à l'origine apparaissaient à chaque de chaque jour, mais en 1759, on en limita l'apparition aux quinze jour qui suivent l'Ascension et cela parce que c'était l'époque de la foire à Venise. Il y a quelques années, ceux qui voulaient détruire chacune de nos coutumes, s'efforcèrent de les supprimer, mais ils obtinrent seulement qu'ils sortent pour se montrer aux vénitiens huit jours et non plus quinze à l'époque de l'Ascension.

XLII

LA PORTE DE LA CARTA

Cette porte qui mène à la cour du palais des Doges est due à Bartolomeo Buono. Son nom lui vient des annonces qu'on fixait dessus. Les "balotini" accrochaient tout le long des portiques, entre la porte et l'escalier des Géants, le résultats des scrutins du Conseil Major et du Sénat, qu'ils avaient transcrit sur papier (papier=carta).

Ils servaient aussi d'écrivains publics aux illettrés par l'intermédiaire du ministère de la Plume.

Ce dernier, après la chute de la République fut remplacé et d'autres hommes plantaient leur écritoire sous le portique de droite pour qui entre par la Piazzetta dans la cour.

On en voyait encore un ou deux, au début du siècle, prêter l'oreille aux demandes, et pour une petite récompense, rédiger des suppliques, des instances et même quelque lettre dans lesquelles une soubrette correspondait avec son fiancé.

XLIII

QUELQUES UNES DES PLUS IMPORTANTES MARGELLES DE PUITS

qui se trouvent, ou se trouvaient à Venise.

1. Cour du palis ducal à San Marco. Ici deux margelles fondues dans le bronze, l'une par Emilio Alberghetti et l'autre par Nicolo di Conti au XVIème siècle

2. Campo dei SS. Giovanni e Paolo. Elle provient du palis Corner à San Maurizio

3. Corte Bressana à SS. Giovanni e Paolo. Elle appartenait aux bâtiments proches des Contarini della Zoggia. Elle fut transportée au musée Correr pour y être conservée

4. Calle Bressana, à l'entrée de la Fondamenta dei Felzi à SS. Giovanni e Paolo, dans une cour privée. elle aussi appartenait aux bâtiments proches des Contarini della Zoggia. . Elle fut vendue récemment

5. Au pont de Borgoloco, à S. Maria Formosa au palais Zusto, maintenant Dubois. Elle fut vendue en 1886

6. Au pont des Pignoli à San Giulano. De celle-ci nous avons parlé ailleurs.

7. Au palais Testa, maintenant fabrique d'allumettes Baschiera à S. Giobbe

8. Cour des Muneghe à Miracoli, près des vieilles maisons Amadi. Vendue depuis peu par les propriétaires des Carminati de S. Lio

9. Dans la petite cour du palais dit Ca d'Oro à S. Sofia

10. Cour Battagia à S. Canciano

11. Dans la maison Orsoni à S. Canciano. Il y en avait deux. L'une fut achetée par le prince Clary et posée dans la cour de son palais, auparavant Priuli, sur les Zattere

12. Dans la cour de l'ancien immeuble sur le campo de S. Margarita

13. Au palais d'abord Soranzo, puis Sanuto et finalement Wanaxel, aux Miracoli

14. Campo Di S. Giovanni Crisostomo. Transportée dans un palais Cappello à la Giudecca

15. Au palais Vallaresco, puis Querini, à la Pieta. Aujourd'hui vendue

16. Au palais Goldoni, à S. Toma. On y trouve l'écusson des Rizzo, batisseur de l'établissement, qu'ils louèrent ensuite aux Centani. Transférée au musée

17. Au pont de S. Barnaba, à la maison Rossi, puis Volpi. On l'aperçoit avec une inscription de Grewembroch, indiquant que le puits fut construit par Gaspare da S. Boldo, père de la fameuse Elena épouse du patricien Michele Giustinian. Aujourd'hui, on peut l'observer au musée Correr

18. Au palais Giovanelli à S. Fosca

19. Au palais Morisini à S. Giovanni Laterano

20. Au palais Zorzi, ou Liassidi, au pont dei Greci

21. Dans une petite cour proche de la laiterie de S. Maria Formosa. Elle porte une inscription de Grewembroch

22. Au palais Soranzo, puis Barbarigo, au pont de l'Angelo. Elle porte une inscription de Grewembroch, mais a été vendue récemment

23. Au palais Gritti, sur le campo Bandiera et Moro à la Bragola

24. Au palis Marcello ai Tolentini. Aujourd'hui vendue

25. Au palais Barbarigo, puis Nani à SS. Gervasio et Protasio

26. Au palis Tiepolo, à l'origine Salvador, à S. Fantino. Cette margelle de marbre rouge est appelée par Grewembroch "du singe" parcequ'un singe y est gravé. Elle fut vendue il ya quelques années

27. Au palais Bembo à SS. Gervasio et Protasio

28. Au palais Stella à S. Canciano. Gravée par Grewembroch. Ni le palais, ni la margelle n'existent encore

29.Au palais Swift, anciennement Pisani et ensuite Gritti à S. Maria Zobenigo

30. Au palais Molin à S. Caterina. Elle fut sculptée par Grewembroch mais disparut quand le palais fut détruit en 1819

31. Dans la cour de la maison Obizzo à S. Luca, dans la Calle dei Fuseri. Remplacée par une autre amenée de Murano.

32. Au palais Soranzo sur le campo S. Polo

33. Parmi les sculptures de Grewembroch, nous trouvons le puits du diable dans la paroisse de S. Maria Mater Domini, qui abritait les soeurs de S. Cristina. Sur un côté : un agneau avec une croix et sur l'autre un griffon ailé portant sur le dos un petit chien , dans la postion de le terrasser . Elle n'existe plus.

34. Au palais d'Espagne à S. Geremia. S'y trouve l'écusson de la famille Frizier, à laquelle la palais a appartenu

35. Au palais Priuli à San Severo. Gravée par Grewembroch

36. Au palais Dona, aujourd'hui Saibante, au traghetto della Madonnetta à San Polo

37. Dans la cour du palais Loredan sur la Riva del Carbon. Deux margelles sont ici placées

38. Corte del Pozzetto à San Maurizio. Elle semble les reste d'une antique colonne cannelée

39. Corte della Terrazza à l'Ospedaletto. De celle-ci nous avons parlé ailleurs

40. Corte Corner ou del Magazzen à San Samuele

41. Campiello del Vin à San Provolo. Maintenant on trouve le Museo Civico

XLIV

LA BLONDE

A l'époque de la Renaissance, nos femmes élégantes voulant imiter les romaines, qui portaient une perruque blonde, se teignaient les cheveux en blond, avec une certaine eau, appelée "la blonde" ou eau de jeunesse. Le procédé était le suivant : elles allaient sur l'une de ces petites terrasses posées sur le toit des maisons , qu'on appelle toujours "altane". Là elles se mouillaient la tête avec une petite éponge imprégnée de cette eau , attachée en haut d'une tige.

Ayant fait cela, elles se couvraient les épaules avec un peignoir de soie, ou de toile légère, appelé "schiavonetto" et se mettait sur la tête un cercle de paille, pour former comme les bords d'un chapeau, dit "solana", sur lequel elles étendaient leurs chevaux pour les faire sécher au soleil. Voilà pourquoi dans les tableaux des peintres vénitiens de l'époque, on aperçoit pratiquement toutes les dames avec une chevelure blonde, tirant sur le rougeâtre.

XLV

L'ARCHE DU PONT DU PARADIS

C'est en 1491 qu'eurent lieu les noces d'Alvise Mocenigo avec Pellegrina Foscari qui, entre autres biens, apportait en dot à son mari, la suite de maisons qui composaient la Calle du Paradis, et qui autrefois appartenaient au couvant de S. Maria della Pomposa. C'était la coutume que ceux qui voulaient s'affirmer propriétaire des immeubles bâtis de part et d'autre d'une rue, les fassent réunir à leur sommet par un arc. On aperçoit un de ceux-là dans la calle du Paradis, vers la Salizzada di S. Lio, mais un autre bien plus grandiose, magnifique apparaît aussi à l'extrémité de la rue, sur le pont, vers S. Maris Formosa. Au dessus de lui, en plus des armes des familles Foscari et Mocenigo, il y a une madone avec deux personnages agenouillés à ses côtés : l'un est un homme en veste de sénateur et chapeau, l'autre une femme en robe tombant jusqu'à terre avec les manches à soufflets et coiffe sur la tête. Il est probables que le premier représente Alvise Mocenoigo et la seconde Pellegrina Foscari, en train de placer sous la protection de la vierge leur nouvelle union. Sur l'autre côté de l'arc, il y aune autre madone, avec à ses pieds un frère. On se sait qui il représente, même si on a voulu voir là une allusion aux frères de S. Maria della Pomposa, anciens propriétaires des maisons voisines. De tout cela, il résulte que l'arc, ou le couronnement, décrit ci dessus date du XVème siècle et non du XIVème comme le voudraient certains, quoique son style soit plus voisin de celui-ci

Note : En fait, le célèbre arc, avec son style qui est encore gothique, remonte au début du XIVème siècle et non à la fin. A l'identification des personnages proposés par l'auteur s'oppose le fait que l'emblème des Foscari est posé à côté de l'homme et celui des Mocenigo à côté de la femme.

XLVI

UNE PROCESSION AUX SERVI

Même au XVIème siècle, certaines processions religieuses qui se déroulaient à Venise n'étaient pas vues d'un très bon œil par ceux qui faisaient partie du gouvernement. Dans ses Mémoires, Sanudo rappelle que le 28 février 1513 :

"En ce jour, j'ai vu moi à minuit une chose extraordinaire : le prédicateur Elia da Brexa qui se disait ermite et portait un manteau de bysse (étoffe d'Orient), avait ordonné que jeunes gens et jeunes filles viennent vêtus de blanc, un cierge à la main. Il en était venu plus de 400 et c'était terrible de voir la furie des femmes et des frères venus de la Scuola du Corps du Christ et de celle de S. Marzilian, tandis que le prédicateur commençait les litanies.

Ainsi donc sortaient de l'église tous ces garçons, ces filles, ces frères et le prédicateur pour faire procession à travers S. Marzilian, Sancta Fosca, Rio terra et le pont de l'Axeo. Puis ils retournaient à l'église chantant les litanies annonçant des événements terrifiants. Alors le prédicateur montait en chaire pour montrer du doigt la terrible colère de Dieu contre cette terre et la cérémonie terminée, disant qu'elle devait se répéter trois fois par semaine.

Cette chose est difficile à supporter ; elle ne me plait pas. Il y a de quoi être inquiet quand quelqu'un est capable de telles initiatives."

XLVII

OTELLO, LE MORE ET DESDEMONE

On raconte qu'en 1505, Cristoforo Moro, patricien de Venise fut envoyé comme lieutenant à Chypre et qu'en 1508, devenu capitaine de 14 galères, il revint à Venise pour faire un rapport sur les choses de Chypre, ayant perdu son épouse dans le voyage.

On ajoute qu'il se remaria avec une fille de Donato da Lezze en 1515, surnommée pour sa vivacité Demonio Bianco (démon blanc).

Sur ces données, se fonde la légende selon laquelle un certain Moro, appelé Otello, valeureux guerrier parvint à épouser Desdémone, sortie d'une famille patricienne vénitienne et que, étant parti comme capitaine à Chypre, pour une jalousie mal fondée, il tua ensuite son épouse..

Voici les bases de la nouvelle de G. B. Giraldi Cinthio(1565), reprises par Shakespeare dans sa tragédie (1602) et par des librettistes modernes , dont les sublimes vers ont été mis en musique par Rossini et Verdi. La tradition ajoute encore que la maison paternelle de Desdémone était un des palais Contarini Fasan à S. Maria Zobenigo et que celle d'Otello était le palais, aujourd'hui reconstruit à l'angle de la rive sur le campo dei Carmini. Mais aucune preuve au sujet de ces palais ; nous savons seulement que le second appartenait aux Guoro, nom qui peut-être par son affinité, a été confondu par les gens avec celui des Moro

 

XLVIII

LA POINTE DES LOUPS

 

Depuis le XIVème siècle, s'avançait depuis Fusina vers S. Marta un morceau de terre marécageuse, couvert de roseaux et d'arbustes qui s'appelait la "Punta dei Lovi", ou lupi (loups) parce que beaucoup de loups s'y étaient installés. Craignant qu'ils ne s'approchent de la cité, le gouvernement décida en 1339 de consacrer une certaine somme à leur destruction. En même temps, il autorisa chacun à venir prendre des matériaux dans les lieux pour ses propres besoins.

Ce décret cependant, avec le temps, fut oublié et c'est seulement les dangers lors de la guerre de Cambrai qui le remirent en vigueur en 1509. Le Sénat ordonna alors, comme l'écrit le rapporteur Priuli, de faire tailler tous les arbres, les roseaux qui étaient dans les lieux et tous les bois. Il fit rapidement ouvrir quatre canaux par 200 hommes dans le marécage.

 

XLIX

UNE MADONE DANS LA MERCERIE DE l'HORLOGE

A l'entrée de la Calle dei Balloni dans la Mercerie de l'Horloge, au numéro 215, il y avait une boutique de quincaillier, dont la vitrine cache un pilier au bas duquel est sculptée une madone, abritant des dévots sous sons manteau, avec les initiales S.M et le millésime M.D.

A celui qui a envie de découvrir l'origine de cette sculpture, il est utile de dire que le bâtiment où elle se trouve appartenait autrefois à Lorenzo di Tommasi da Firenze, qui l'avait acheté à Vielmo Bevilacqua avec d'autres immeubles voisins et l'avait laissé à la Scuola Grande della Misericordia par son testament du 10 janvier 1398, dans les actes du notaire Giorgio Gibellini.

Celle ci le fit restaurer en 1500 et y fit sculpter son enseigne. on la retrouve sur la façade du même bâtiment, en haut, plus belle et plus grande. La boutique citée au dessus servait en 1582 au célèbre imprimeur et éditeur Giorgio Vaugris, ou Valgrigio.

L

UNE MADONE DANS LA MERCERIE DE S. GIULIANO

A l'entrée de la Mercerie de S. Giuliano, s'élève une maison qui fait l'angle avec le campo, dont une partie appartenait à la Scuola de S. Giovanni Evangelista , comme le prouve la crosse, emblème de la confraternité sculptée sur le mur et dont l'autre partie faisait partie de l'église de S. Giuliano, comme en témoigne dans un bas relief le buste du Saint, avec l'inscription signalant sa restauration en 1511. Sur la partie qui était propriété de la Scuol de S. Giovanni Evangelista, plus précisément sous la crosse, en haut d'un chapiteau, on aperçoit une image de la Vierge à l'Enfant peinte sur une toile, qui peut-être à l'origine aurait été de bois.

Ce chapiteau est célèbre parce que, deux fois, en 1482 et en 1509 il fut épargné par le feu ainsi que cette portion de la maison, tandis que l'autre partie était la proie des flammes.

Sanudo raconte que le 30 mars 1509 : à S. Zulian, dans la Mercerie, le feu prit dans les pièces de l'église où étaient entassés les libres. Les maisons brûlèrent mais un coin de la Scuola où était peinte une vierge, très honorée, fut contourné par le feu et n'eut à subir aucun dommage de l'incendie.

Les vénitiens attribuent ce miracle à la Vierge Marie